Nouveau gouvernement : la santé laissée pour compte

Si Emmanuel Macron a souhaité créer un gouvernement plus jeune et plus resserré, c’est parce qu’il estime qu’il faut « de l’audace, de l’action, de l’efficacité» comme il a pu le déclarer lors de sa conférence de presse du 16 janvier. Conférence durant laquelle il a d’ailleurs exprimé sa volonté de « permettre des coordinations plus simples » entre médecine de ville et hôpital, et avec les professions paramédicales, afin de lutter contre les déserts médicaux. Un souhait qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, le Sniil saura rappeler au Président de la République, ainsi qu’à son gouvernement, le rôle crucial des professions paramédicales, et notamment des infirmiers libéraux, pour le « réarmement » de notre système de santé[1]. Cependant, en faisant le choix de ne pas nommer de conseiller à la santé au sein du cabinet du Premier Ministre, le gouvernement ne se tire-t-il pas une balle dans le pied ?

Un « coup de com’ » manqué

En visite au CHU de Dijon ce samedi 13 janvier, Gabriel Attal, Premier ministre, aux côtés de Catherine Vautrin, Ministre de la santé, entre autres, a annoncé vouloir « continuer à investir massivement pour l’hôpital et plus largement pour notre système de santé » avec notamment « dans les cinq ans qui viennent, 32 milliards d’euros supplémentaires qui seront investis dans notre système de santé ». Les réactions ne se sont pas faites attendre et dénoncent un « coup de communication » pour une augmentation « déjà prévue » et « insuffisante » au regard de l’inflation. En effet, cette enveloppe annoncée correspond bien à la « hausse du budget de la branche maladie qui a été adoptée dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale », confirme Matignon. Si le Premier ministre voulait rassurer les professionnels de santé, en extrême souffrance depuis des années, c’est raté, au contraire, la méfiance est plus que jamais d’actualité.

Garantir une prise en charge adaptée

Bien que cette visite fût centrée sur l’hôpital, les déclarations de la ministre au sujet, notamment, des relations ville-hôpital ont retenu notre attention. Catherine Vautrin a commencé par « souligner cette magnifique complémentarité entre la médecine de ville, les professionnels et surtout l’organisation que vous avez mis en place qui garantit à nos concitoyens un temps de prise en charge. » avant de parler de « capacité qui nous rapproche de la notion de bassin de vie. Bassin de vie, c’est la capacité pour chacun de nos concitoyens d’avoir une réponse qui soit la plus proche possible ». Effectivement, c’est bien cette proximité avec nos patients que nous défendons comme rempart pour faire face à la saturation des hôpitaux et aux déserts médicaux. Attention donc, Monsieur le Premier ministre, Madame la Ministre du Travail, de la santé et des Solidarités, à ne pas avoir une vision trop hospitalo-centrée du système de santé français. La médecine de ville, et notamment l’activité des infirmiers libéraux, rares professionnels de santé à se rendre aux domiciles de nos concitoyens, est essentielle à une prise en charge rapide et adaptée.

Apporter une réponse de santé à tous les âges de la vie

Alors que Gabriel Attal a mentionné la santé mentale des adolescents en annonçant vouloir avancer « avec la médecine scolaire, probablement avec davantage de ponts entre l’école, la ville, l’hôpital », Catherine Vautrin a déclaré vouloir apporter « une réponse de santé à tous les âges de la vie ». Après le fiasco de la campagne de vaccination anti-HPV dans les collèges par manque d’informations, de préparation et même de communication, espérons que cette fois, le gouvernement saura tirer les leçons nécessaires pour prendre à bras le corps le sujet de la prévention, notamment chez les jeunes. La généralisation prochaine du bilan de prévention, et notamment sur la tranche d’âge 18-25 ans, pourrait apporter un premier élément de réponse.

Une nouvelle Ministre sur tous les fronts

Lors de son discours de passation aux côtés d’Agnès Firmin Le Bodo, la nouvelle Ministre a promis de consacrer « toute son énergie » à « réarmer notre système de soin ». Un défi de grande envergure lorsque l’on sait qu’elle est également Ministre du travail et des solidarités. Malgré son agenda bien chargé, la Ministre a tout même pris le temps de rappeler que « la prévention comme l’offre de soins sont des enjeux absolument majeurs ». Espérons que cela se ressentira dans les décisions qu’elle sera amenée à prendre. Catherine Vautrin a également déclaré « Je n’oublie pas ce grand sujet de la fin de vie ». Une annonce importante alors que deux textes sont en cours de préparation sur le délicat sujet de la fin de vie. Le Sniil veillera, bien entendu, à ce que notre profession soit représentée pour accompagner les patients en fin de vie.

Depuis des années, le Sniil n’a de cesse de présenter un projet ambitieux, pour la profession. Si nos propositions n’ont pas trouvé d’oreille attentive lors des précédents gouvernements, celui-ci, qui se veut davantage audacieux, saura certainement nous entendre. A moins qu’il ne s’agisse, encore une fois, d’un effet d’annonce ?  Sans conseiller dédié à la santé auprès du 1er ministre, nous avons de sérieuses raisons de nous montrer inquiets pour l’avenir de notre système de santé. Le Sniil demande la nomination, dans les plus brefs délais, d’un conseiller santé au cabinet du Premier Ministre et d’un ministre délégué à la santé et à la prévention. La santé doit être une priorité parmi toutes celles qu’énumèrent le 1er ministre depuis sa nomination. Il est impossible d’imaginer, dans les conditions actuelles, la naissance d’un projet ambitieux pour la santé, et notamment pour la refonte du métier infirmier prévu pour 2024. 


[1] Remaniement : le Sniil s tient prêt à échanger avec les nouvelles ministres – communiqué de presse – 12/01/2024